Boissons énergétiques, boissons énergisantes : Quelles différences ? Quelles règles de prudence ?

Boissons énergétiques, boissons énergisantes : Quelles différences ? Quelles règles de prudence ?

La consommation de produits pouvant induire des effets stimulants est en très nette augmentation. Les motivations sont diverses, essentiellement sous-tendues par deux recherches : celle de la performance, par exemple pour un sportif qui pratique en compétition, ou celle d’un effet stimulant extrême pour les jeunes, adolescents, voire adultes. Si les boissons "énergétiques" sont encadrées par une législation stricte, il n’en pas de même pour les boissons "énergisantes".

La mise en garde des jeunes consommateurs et des parents est essentielle. Ces produits sont actuellement sous haute surveillance. 

Définition, législation

Les boissons énergétiques, boissons de l’effort, sont soumises à la législation des compléments alimentaires (directive 2002/46/CE du Parlement européen, décret du 20 mars 2006). « On entend par compléments alimentaires les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seul ou combiné... ». La réglementation établit une liste des ingrédients pouvant entrer dans leur composition, actuellement ciblée sur les vitamines et minéraux au niveau européen, élargie au niveau national par des doses journalières maximales et des recommandations concernant diverses substances, telles que les plantes. Les boissons énergétiques ne sont en aucun cas des médicaments et ne doivent pas dépasser les apports journaliers recommandés. Elles sont élaborées pour répondre aux besoins spécifiques du sportif qui fournit un effort musculaire intense. Certaines sont orientées vers la récupération après l’effort.

Une boisson “énergétisante” est un terme marketing : elles sont sensées “mobiliser l’énergie” en stimulant le système nerveux. Ces produits ne répondent ni aux critères, ni à la réglementation imposés aux boissons énergétiques; certaines sont cependant sous surveillance en raison de la présence de taurine et de caféine. 

quelle composition ?

Les boissons énergétiques

Boissons glucidiques complémentaires de l’effort, spécifiques aux sportifs, leur composition ne doit être ni acide, ni gazeuse, ni trop sucrée, avec une osmolarité aux alentours de 390 mmol/l, pour une meilleure assimilation. Les apports glucidiques (en général dextrose, fructose, maltodextrines) sont de 6% à 8%/l, avec apport de potassium, calcium, sodium, phosphore, magnésium à des taux très faibles. Les vitamines sont celles du groupe B essentiellement.

Les boissons de récupération assurent, après l’exercice, la restauration des pertes liées à l’effort : eaux bicarbonatées riches en sels minéraux pour compenser les pertes et lutter contre l’acidose par accumulation d’acide lactique. Elles peuvent permettre aussi de lutter contre les crampes.

Les boissons énergisantes

Elles sont composées le plus souvent de taurine, remplacée par l’arginine dans certaines préparations, de caféine, guarana, glucuronolactone, ginseng, vitamines (surtout du groupe B). 

dans quel but ces boissons sont-elles consommées ?

Les boissons énergétiques

> Réservées aux activités intenses et prolongées (comme des tournois, randonnées...), si le sportif est sujet aux crampes pendant l’effort, en cas de sueurs importantes (perte hydrique et de la perte en minéraux). Elles permettent aussi de stabiliser la glycémie avant et au cours de l’effort, si nécessaire.
> Les consommateurs : des sportifs informés et demandeurs de conseils. L'achat se fait surtout en magasin spécialisé.
> Mais on assiste de plus en plus au développement des achats via Internet ! 

Les boissons énergisantes

> Utilisées pour leurs propriétés stimulantes de l’effort physique et intellectuel, tout en corrigeant les besoins de réhydratation.
> Certains s’en servent pour des efforts sportifs, d’autres pour tenir le coup, par exemple en vue d’une soirée qui va se prolonger dans la nuit ou pour éviter la fatigue d’un long voyage. Les consommateurs : des adultes jeunes, des ados, et même des enfants.
> Leur vente est en croissance exponentielle.
> Vendues sans conseil, souvent banalisées dans une grande majorité de magasins, elles sont souvent consommées dès l’achat. 

quels sont les rISQUES POTENTIELS ?

Un excès de glucides

La mauvaise utilisation des boissons énergétiques peut être à l’origine d’excès en apports glucidiques, responsables d’hypoglycémie réactionnelle, avec coup de barre, contre-performance et risque de compulsion vers les aliments sucrés. Ce sont aussi des leurres pour optimiser la performance sportive, au détriment d’une alimentation équilibrée.
L’apport en glucides des boissons énergisantes est très important (supérieur aux boissons énergétiques), avec risque d’hypoglycémie réactionnelle lors d’une consommation avant l’effort. 

Un excès de caféine

Dans une canette de boisson énergisante de 250 ml, sa teneur est de l’ordre de 80 mg (à titre indicatif, une tasse de café= 60 à150mg).Il est conseillé de ne pas dépasser l’équivalent de 3 à 4 tasses/j de café, soit environ 400 mg/j chez l’adulte (200 mg /j chez la femme enceinte). Mais la sensibilité à la caféine est variable d’un sujet à l’autre, et peut apparaître dès 100 mg pour certains. La caféine est présente dans de nombreux produits consommés en parallèle, avec un risque de surdosage. Il faut donc tenir compte des autres sources - colas, thé glacé ou non, cacao, noix de kola, guarana, yerba maté (bien lire les étiquettes). La caféine est un stimulant intellectuel, a un effet ergogène et retarde le seuil d’épuisement lors de l’exercice anaérobie. Mais sa consommation en excès peut entraîner une excitabilité cardiovasculaire, un risque accru de lésion musculaire, des effets digestifs (troubles de la motricité, douleurs), une augmentation du stress et de l’anxiété. Le risque létal (10 g en 1 prise) est difficile à atteindre : équivalent à 120 canettes ! Certaines boissons peuvent contenir par ailleurs des substances dont les effets sont proches de la caféine, comme la théobromine. 

Les risques de la taurine

C’est un acide aminé soufré, en forte concentration dans la bile du taureau, d’où son nom. Sa concentration sanguine est directement liée à l’apport alimentaire. Elle a un effet sur l’excitabilité neuronale et des effets cardiovasculaires (ren- force la contractilité cardiaque). Aucun déficit n’a été noté chez l’homme et son action sur la performance n’est pas démontrée. Mal connue, elle serait thyréotoxique et neurotoxique. Deux canettes de 250 ml/j apportent des doses dix fois plus élevées que les doses journalières alimentaires ! C’est une substance déconseillée aux enfants et aux femmes enceintes. 

Arginine : prudence

Aucun effet n’est démontré au cours de l’exercice physique, lors d’une supplémentation avec cet acide aminé. Elle est déconseillée aux femmes enceintes et allaitantes, aux personnes cardiaques, souffrant d’allergies ou d’asthme, ayant ou ayant eu une cirrhose du foie, un herpès ou une insuffisance rénale. 

Glucuronolactone : l'inconnue

Il est produit à partir du glucose, via la voie des pentose phosphate, et participe ainsi à de nombreuses voies métaboliques. Son apport alimentaire est de 1 à 2 mg/j et son seuil de toxicité inconnu. Aucune action sur la performance sportive n’a été mise en évidence.

Une hypervitaminose

En très grande quantité dans les boissons énergisantes, il existe un risque de dépassement du seuil de toxicité pour les vit. B6 et B12. 

Un pH trop acide

Le pH des boissons énergisantes est très acide (de l’ordre de 3.5), ce qui peut provoquer, en cas d’ingestion régulière et répétée, une érosion dentaire ou de la muqueuse gastrique. Cela a été observé chez des sportifs de longue durée (coureur de fond, cyclistes, triathlètes). La consommation de boissons énergisantes trop acides est déconseillée lors de l’effort sportif (avant, pendant, après) car elles peuvent aussi nuire pour cette raison à la récupération et favoriser les blessures musculotendineuses. 

Une osmolarité importante

Avec une osmolarité de l’ordre de 630 mmol/l, les boissons énergisantes ne respectent pas le critère d’iso-osmolarité. Pour cette raison, elles peuvent perturber la vidange gastrique, l’absorption intestinale, les échanges transmembranaires et une assimilation optimale. 

que disent les autorités et sociétés savantes ?

La société française de Nutrition du Sport

Un texte référentiel a été rédigé en juin 2008 par les membres du Comité scientifique (consultable sur le site : www.nutrition dusport.fr). La position de la SFNS vis-à-vis des boissons énergisantes chez le sportif est claire. La littérature ne permet pas d’attribuer à ces boissons un effet positif sur l’amélioration des performances physiques ou psychiques, ni d’amélioration des défenses anti-oxydantes. L’impact sur la santé et la toxicité restent à préciser. Elles ne présentent pas d’intérêt nutritionnel démontré et ne répondent pas aux critères spécifiques des boissons énergétiques définis au plan réglementaire. Elles sont inadaptées et déconseillées pour la réhydratation; le risque de déshydratation accentuée lié à l’hyperosmolarité et la présence de certaines molécules peut même augmenter le risque de blessure. La fuite potentielle de calcium, magnésium et potassium est un facteur de risque de trouble du rythme cardiaque. La caféine augmente le risque de troubles du rythme cardiaque à l’effort. L’apport glucidique est inadapté à l’effort; la concentration en sucres est trop élevée et fait courir le risque de troubles digestifs. L’acidité est un facteur prédisposant aux blessures sportives. 

L'Afssa

Saisie à plusieurs reprises depuis 2001 pour évaluer l’innocuité et l’intérêt nutritionnel d’une “boisson dite énergétique” par la DGCCRF, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments a rendu plusieurs avis (mars 2001, mai 2003, janv. et nov. 2006, consultables sur : www.afssa.fr).

> Compte tenu des niveaux de concentration de substances comme la taurine et le D-glucuro-nolactone dans une canette (5 et 500 fois les doses journalières apportées par l’alimentation), il est considéré que la sécurité d’emploi n’est pas assurée. L’intérêt nutritionnel n’a pas pu être démontré.
> L’Afssa a attiré l’attention sur certains points nécessitant une vigilance particulière, notamment les possibles fortes concentrations en caféine.
> Sur la base des avis de l’Agence, le ministère de la Santé a demandé un suivi et une information précise à l’attention du grand public sur les effets indésirables.
> L’Agence travaille actuellement au développement d’un dispositif de suivi des forts consommateurs de boissons énergisantes, s’appuyant sur des enquêtes de consommation et ce, en lien avec l’Institut de veille sanitaire (InVS).

L'éducation nationale

Elle interdit la vente de boisson énergisante dans les établissements (excitants du système nerveux, elles masquent la fatigue et peuvent inciter à diminuer le temps de sommeil) et souhaite que cela s’accompagne d’une information des élèves et personnels sur leurs dangers, et sur la promotion de modes de vie sains (Circulaire N° 2008-090 du 11 juillet 2008; site : www.education.gouv.fr). Le ministère de la Santé diffuse aussi une plaquette d’information (disponible sur : www.sante.gouv.fr, rubrique Boissons énergisantes). 

conclusion

Il est utile de rappeler à nos patients, en particulier jeunes et adolescents, et à leurs parents, l’importance de lire les étiquettes ; cela doit devenir un réflexe ! Ceci est d’autant plus important que les ingrédients varient d’un produit à l’autre : la teneur en caféine peut aller de 23 à 125mg/250ml; le mot “caféine” n’est pas clairement écrit (peut se cacher sous ces termes : guarana, yerba maté, noix de cola...). Il est relativement facile de dépasser les limites, surtout chez les enfants et adolescents, ou les sportifs non informés qui cumulent consommation de boissons énergisantes et produits toniques, médicamenteux ou non. Ce comportement est souvent associé à l’ingestion d’alcool, le danger mérite d’être souligné. Notre rôle de médecin est ici essentiel. 

Dr Paule Nathan (Endocrinologue, Nutritionniste, Paris)
Dr Charles Agenet (Médecin du CROS Provence-Alpes, Président délégué de la Commission nationale de la Fédération sportive et culturelle de France, Marseille) 

Source : Nutrition & Pédiatrie • Février 2010 • vol. 2 • numéro 7