Le Boulisme : cause nationale de première nécessité

FSCF boules lyonnaises

Les jeux de boules sont l'émanation d'un territoire et de ses hommes. Ainsi les jeux de palets,  billard, curling et autres mölkky traduisent bien l'esprit des sociétés, capitales ou pays qui les ont vus naître. 

Pour ce qui concerne la boule dite "lyonnaise", cette discipline sportive s'est particulièrement développée dans le quadrilatère Lyon/Gap/Grenoble/Valence, avec quelques incursions en départements et régions limitrophes voire transalpins et s'est étonnamment exportée en pays plus lointains, francophones principalement. 

C'est que ce jeu exprime tout particulièrement la volonté de cadrer un terrain, très compartimenté, en trois temps : la base de départ et de lancer, une zone de traverse pour la boule projetée, et un quadrilatère d'arrivée. Quand l'hégémonique et estivale pétanque, elle, prône la liberté aux quatre vents à partir de "pieds tanqués" : un jeu peut par le hasard se dérouler à des dizaines de mètres par-delà les 7 mètres originels. Tandis que la boule lyonnaise n'autorise pas le débord : on reste dans le cadre ou pas ! (on pourrait d'ailleurs théoriser des heures sur l'homothétie entre le travail textile au cadre à la lyonnaise : format, précision sont leurs valeurs communes).

Aussi l'inscription de cette discipline si particulière a-t-elle trouvé à la FSCF un écho et des valeurs communes : accessible et populaire, nécessitant un effort (essayez-vous donc au tir et à soulever une boule pour cela, tandis qu'à la pétanque l'impétrant croit rapidement – et peut par la chance du débutant et quelque application – maîtriser son sujet). 

C'est que l'application y est de mise, qu'il n'y a guère sur les jeux de distinction aristocratique, mais bien une sociologie intrinsèquement manœuvrière à cette pratique. On se transmet d'ailleurs cette passion : il faut pour cela pénétrer dans les clos, pour ne pas dire les enclos. Longtemps en effet, les terrains privilégiés furent les "clos boulistes" : attenant de corps de fermes ou de bars en villes, il y eut là comme l'inscription d'un loisir délimité mais bien populaire, au sortir du travail et lors de l'apparition des week-ends. Ces dits "clos boulistes" ne relevant pas d'un patrimoine bâti noble, l'urbanisation galopante et la nécessité de confort des boulodromes couverts, auront supplanté ces espaces de temps suspendu et ludiques.

Didier GAUTIER, président du Comité Départemental du Dauphiné et votre serviteur défendirent d'ailleurs ces "Maisons des illustres", ainsi qu'aurait pu les qualifier Frédéric MITTERAND, pendant une quinzaine d'éditions des "Barbares", festivals d'arts en bars qui prenait corps dans les clos boulistes du Bas-Dauphiné.

Et si la quête de médiatisations propre aux sports de compétition a un temps vu émerger le tir dit "cadencé", véritable exploit physique et frénétique, le boulisme est resté dans la confidentialité de valeurs de camaraderie. 

Sans doute que le "balancier" du lancer de boule, pourtant geste auguste et techniquement complexe, se dédoublait-il par trop du balancier de boissons à l'issue des parties... Ce qui catalogua à tort ce sport dans la catégorie des passe-temps.

L'activité est circonscrite aux départements de la région lyonnaise et de l'ex-Dauphiné : Rhône, Isère, Loire, Drôme, Hautes-Alpes, Ardèche. Au CDD, les fiefs restent : Moidieu-Détourbe, Châbons, Corbelin. 

Tout adepte du boulisme sait combien la figure dite de "la balme" résulte profondément de ces terrains et fait corps avec les jeux : une "balme" est un léger dévers, un relief indistinct que le joueur essaie d'emprunter vers le graal du but. Il est des balmes bonnes ou mauvaises, qu'on évite ou qu'on emprunte, c'est toujours une manière presque sensuelle de faire corps avec le jeu.

Le premier championnat de boules des cercles catholiques a lieu à Lyon évidemment en 1948 suivie en 1949 de la création d'une sous-commission bouliste dont le siège reste à Lyon. Le championnat de France s'enrichit d'une Coupe fédérale en 1955. Des rencontres internationales avec l'Italie naissent en 1976.

Cette discipline sportive de précision a pour particularisme à la FSCF un véritable œcuménisme avec la Fédération Française de Sports Boules. Au sortir de la crise sanitaire, véritable aggiornamento pour les philosophies sportives, nombreux sont ceux qui croient à la régénérescence de la boule lyonnaise, pour ses valeurs de rencontres, de respect. La discipline n'est-elle d'ailleurs pas nommée "le Boulisme" ? Comme on dirait l'altruisme, l'écologisme, l'olympisme, le civisme ou le fédéralisme. Un mode de pensée, de philosophie et de partage, à transmettre et cultiver.

Page réalisée par Gilles THORAND - Issue de l’Essor Isère du 24/07/2020.