Le breakdance, un avenir dans la continuité et le changement

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Sous les feux de la rampe lors des Jeux de Paris 2024, le hip-hop a séduit tout son monde et entend bien capitaliser son succès sans se renier.  

Même éphémère puisqu’il ne sera pas à l’affiche des JO de Los Angeles en 2028, la présence du breakdance au programme des Jeux olympiques de Paris lui a offert une exposition aux effets durables. Cette exposition se prolongera aux Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) de Dakar en 2026, où la discipline donnera de nouveau lieu à la délivrance de médailles.

Non seulement cela a été une belle publicité mais ça laissera indéniablement un héritage en termes de développement et de transmission avec beaucoup de perspectives, se réjouit Pascal-Blaise Ondzie, référent breakdance en Île-de-France lors des JOP 2024. À présent, nous sommes reconnus comme un sport de haut niveau qui continue de se professionnaliser. Nous pouvons désormais proposer l’activité au programme des cours d’Éducation physique et sportive (EPS) dans les écoles, collèges et lycées ainsi que dans le cadre du temps périscolaire. Quant aux clubs, leur nombre ne cesse d’augmenter tout comme celui de leurs adhérents. 

Le breakdance est géré par la Fédération française de danse (FFD), laquelle entend mettre l’accent en régions sur la formation d’une élite en s’appuyant en particulier sur les clubs importants. Elle a, d’ailleurs, signé une convention en ce sens avec l’Agence nationale du sport (ANS) même si le pôle de l’Insep a, lui, fermé ses portes.

Le breakdance a toujours été inclusif et le restera

Cette structuration n’est pas pour autant synonyme de perte d’âme. Le breakdance a toujours été inclusif et le restera, que ce soit socialement, bien-sûr, mais aussi par exemple vis-à-vis des personnes en situation de handicap, assure Pascal-Blaise Ondzie. Même s’il était associé aux banlieues dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, il s’est considérablement démocratisé, tant en province que dans les campagnes. Ces publics qui en étaient au départ éloignés se le sont approprié. 

Certes parce que le maillage des associations qui ont inclus le breakdance dans leur offre de pratiques s’est densifié, mais pas seulement : d’autres facteurs favorisants expliquent cette implantation. Tout d’abord, l’existence de plusieurs circuits de compétitions (battles) underground ou officielles sous l’égide de la FFD. Et, surtout, la possibilité de s’y adonner en plus ou moins toute liberté dans des lieux improvisés, couverts ou pas, urbains ou pas, comme à une certaine époque le Trocadéro ou Châtelet, à Paris. Certes, les spots se font plus rares pour des raisons de sécurité. Cependant, il existe plusieurs voies et niveaux pour faire du breakdance et c’est là un atout, insiste Pascal-Blaise Ondzie.

Le hip-hop permet à chaque nouvelle génération d’écrire son histoire

Qui ne redoute pas non plus que le breakdance se dénature en empruntant la même voie, par exemple, que le patinage artistique où les figures libres et imposées font l’objet d’un barème de notations strict susceptible de brider la créativité des B-Boys et des B-Girls. Les membres de la commission breakdance, au sein de la Fédération, sont des spécialistes confirmés, précise Pascal-Blaise Ondzie. Les décisions sont actées en lien avec les acteurs de terrain. Même si, forcément, il évolue avec la société, l’essence du breakdance est préservée : il demeure, avant tout, un mode d’expression et d’affirmation de situations que chacun vit. Cette identité-là n’est pas en danger. A cet égard, le hip-hop est un très bel outil. Il permet à chaque nouvelle génération d’écrire son histoire. Les revendications sont toujours présentes même si elles peuvent être expérimentées différemment dans la mesure où la jeunesse actuelle ne vit pas ce que nous vivions il y a quarante ans.

Et de rappeler que les premiers promoteurs du breakdance dans l’Hexagone, en particulier via le New York City rap Tour en 1982 puis la diffusion, sur TF1, de l’émission H.I.P. H.O.P. présentée par le célèbre animateur Sydney, étaient plutôt des membres de l’intelligentsia culturelle. Ce n’est qu’ensuite que les milieux dits défavorisés s’en sont emparés et se sont reconnus en lui.

Une institutionnalisation évidente ?

Dans sa thèse intitulée La normalisation culturelle du hip-hop en France. L’adoption institutionnelle d’une breakdance légitimée, Benjamin Paon, enseignant-chercheur à l'université Paul Valéry de Montpellier, pointe, en creux, une certaine normalisation du breakdance, lequel serait, en quelque sorte, rentré dans le rang. En cédant du terrain et en laissant les pouvoirs publics investir le champ culturel du hip-hop, le breakdance a ouvert des négociations dans son évolution, écrit-il.

En effet, l'État, le gouvernement et les pouvoirs publics (…) ont décidé de s'arrêter sur le sujet. On dénote une matérialisation et une certaine forme d'instrumentalisation du mouvement hip-hop qui s'exprime par l'utilitarisme pédagogique et artistique comme moyen d'éduquer, de former et d'insérer l'individu (...). On perçoit un ajustement ou une concordance forcée entre le hip-hop - comme culture autonome et indépendante - et la République - garante de la culture légitime et institutionnelle. La prise en charge par les institutions marque alors une certaine aliénation de la pratique du fait de son encadrement alors que sa particularité se remarquait par son autonomie. 

 

Propos receuillis par Alexandre Terrini pour le magazine Les Jeunes.