Les influences de la Grande Guerre sur la pratique sportive ?

Actu 11 novembre

En cette période de commémoration de la Grande Guerre, la Fédération Sportive et Culturelle de France retrace l’Histoire de l’intérieur. Comment la guerre a-t-elle influé sur la pratique sportive ? Quels étaient les grands noms de l’époque ? La commission nationale Histoire et patrimoine raconte…

Quand la guerre éclate, le 28 juillet 1914, un tiers des appelés titulaires du brevet d’aptitude militaire l’ont préparé à la FGSPF (Fédération gymnique et sportive des patronages de France). La majorité de leurs moniteurs, formés à Joinville, fournissent l’essentiel des sous-officiers.

En première ligne dès le début, les sportifs de la fédération vont payer un lourd tribut. Rappelons pour mémoire le décès de Charles Simon, premier secrétaire général de la FGSPF, dès 1915 dans les combats du Labyrinthe où le capitaine Georges Hébert, directeur de l’éphémère centre de préparation des Jeux de 1916, est aussi grièvement blessé. Jean Bouin, le meilleur espoir de médaille est déjà tombé le 28 septembre 1914 et son ego alter, Géo André, reviendra du front profondément mutilé. 25 000 « petits gars » restent dans les champs de l’Artois ou de l’Argonne, soutenus parfois au dernier moment par un de nos prêtres-directeurs mobilisé comme ambulancier ou aumônier militaire. La FGSPF fournit au ministère de l’agriculture des contingents de jeunes citadins pour assurer les travaux des champs et sur Paris, le docteur Paul Michaux, chirurgien-chef de l’hôpital Beaujon jusqu’en 1916 et Président fondateur de la FGSPF, mobilise sur simple appel aux sociétés les jeunes brancardiers nécessaires pour accueillir des blessés dans les gares de la capitale. Quand le maréchal Foch lui remet le 20 mars 1921 la légion d’honneur en reconnaissance du rôle joué par les patros dans le conflit, il lui dit « Tu as été le meilleur artisan de la victoire ». Le tribut de nos sportifs à ce conflit, ce sont les gymnastes qui l’ont payé.

Car même dans nos patros à la veille de la guerre, pour les adhérents, c’est toujours « Pas de gym la semaine, pas de foot le dimanche ». Mais il ne faudrait pas passer sous silence la contribution de cette période au développement du sport français.

Car en 1914, si la gymnastique est bien implantée dans les couches populaires, les autres sports restent l’apanage de l’aristocratie et de la bonne bourgeoisie de Paris et des grandes villes. Certes, le football est déjà apparu dans beaucoup de patros et le basket balbutie dans une salle de l’Union chrétiennes des jeunes gens, rue de Trévise, depuis la fin du siècle précédent.

Mais c’est en arrière du front, lors des «relèves», que les alliés et leurs foyers du soldat animés par l’YMCA popularisent auprès de nos poilus le rugby et bien d’autres sports nouveaux pour eux.

De retour dans leurs cités ouvrières et leurs villages après l’Armistice, les rescapés les y ramènent avec eux alors que les centres de convalescence de nos « gueules cassées » développent les premières initiatives « handisports ». Du 22 juin au 6 juillet 1919, les Jeux interalliés du stade Pershing, construit en quelques mois par l’armée américaine, restent le symbole de cette histoire. Et la FGSPF, où « on ne met pas le drapeau dans la poche » devient la plus grande fédération sportive française de l’entre-deux-guerres renforcée de l’Elsaessicher

Turnerbund (ETB), ancêtre de l’Avant-garde du Rhin, qui rejoint nos rangs le 15 mai 1919 et défile derrière son nouveau drapeau tricolore dès le 4 août lors du concours national de Metz. Quatre mois plus tôt, le 7 avril 1919 la Fédération Française de Football est née dans nos locaux du 5, place Saint-Thomas-d’Aquin.

DERRIÈRE CHAQUE HOMME SE CACHE UNE FEMME

Impossible de conclure sans parler des « filles ». Certes beaucoup, dans la bourgeoisie urbaine, pratiquent déjà dans les cercles de leurs époux ou pères et depuis le 21 novembre 1912 une Union française de gymnastique féminine commence à se préoccuper des autres. Mais la guerre vide les arsenaux militaires de leurs ouvriers et les hôpitaux d’urgence expriment un grand besoin en personnel soignant. Alors que les hommes sont au front, ce sont les femmes qui assurent ces tâches en sus de l’économie vivrière. Elles découvrent elles réclament l’accès aux mêmes divertissements et Alice Milliat, Irène Popard n’attendent pas la fin de la guerre pour développer à Paris les premières associations sportives féminines dès 1916. En 1919 les soeurs de la Charité se tournent vers la place Saint- Thomas-d’Aquin, proche de leur maison de la rue du Bac, pour trouver conseil et encadrement. Paul Michaux leur délègue un de nos héros revenu sain et sauf, Félix Mathey champion fédéral d’athlétisme et instructeur militaire de Saint-Maixent ; le Rayon sportif féminin commence à prendre son essor. Deux ans plus tard les premiers jeux mondiaux féminins sont organisés à Monte-Carlo puis en 1922 à Pershing qui incarne toujours l’alliance paradoxale entre le sport et cette guerre. Les femmes apparaissent enfin aux Jeux olympiques en 1928 à Amsterdam : la Grande Guerre et le sport français, c’est une histoire commune toujours indélébile.