
Rildo Ribeiro de Souza et Benjamin Golmard, connus sous les noms de Mestres Pedigree et Bem-te-vi, membres de la commission nationale de capoeira, nous ouvrent une fenêtre sur leur univers. À travers leurs expériences et leurs ressentis, ils racontent l’art de la capoeira et l’émotion du premier festival FSCF. Un Brésilien, un Français, un amour partagé qui ne connais pas de frontière : la capoeira.
Un art qui accueille chacun, sans distinction, et qui résonne avec les valeurs fédérales.
Pouvez-vous nous dire quel a été votre premier contact avec cet art, et qu’est-ce qui vous a donné envie de continuer ?
MP : J’ai découvert la capoeira quand j’étais jeune mais j’ai commencé à la pratiquer à peu près à l’âge de seize ans, fin des années 1980. Au départ, je faisais du foot mais la capoeira m’a vite attiré. Ce qui m’adonné envie de continuer, c’est l’ambiance, la musique, le jeu… c’est très différent des autres sports.La capoeira, ce n’est pas seulement un sport,c’est un art, une culture, un mode de vie. Ce n’est pas comme le foot où tout est cadré.
MB : J’ai découvert la capoeira en 1989, j’avais 16 ans. C’était à Paris, aux Halles, pendant une démonstration de rue. J’ai tout de suite été fasciné par les acrobaties, les coups de pied, la vitesse, la maîtrise du corps. C’était un coup de foudre. C’est un univers tellement exigeant qu’à un moment, il faut choisir : soit tu t’arrêtes, soit tu t’y mets à fond. Moi, je m’y suis mis à fond dès le début, et je n’ai jamais arrêté.
Comment êtes-vous devenu mestre, et qu’est-ce que cela représente pour vous ?
MP : Devenir mestre, ça ne vient pas du jour au lendemain. Il faut du temps, de la pratique, de l’expérience. Tu dois apprendre à chanter, à jouer les instruments, à enseigner, à comprendre l’histoire. Ce n’est pas juste savoir faire des mouvements. Pour moi, être mestre, c’est aller au-delà de la technique. C’est savoir transmettre.
MB : Le mot mestre, c’est très fort. Il faut avoir un certain âge, un vécu, une maturité, et surtout la reconnaissance de la communauté. J’ai été le premier Français autorisé à porter la corde noire des Maîtres de capoeira. Être mestre, c’est aussi une posture, presque une philosophie de vie. On attend de toi une certaine sagesse, une responsabilité. Pour moi, c’est une figure à la fois de guide et de passeur, quelqu’un qui transmet ce qu’il a reçu.
Qu’avez-vous ressenti en participant à ce premier festival national de capoeira organisé par la FSCF ?
MP : C’était une belle expérience. Je pense que les gens ont aimé, que ça a donné envie à d’autres de découvrir. C’est important d’avoir ce genre d’évènement, parce que la capoeira, en France, on la connaît encore peu. Ce genre d’initiative peut changer les choses.
MB : J’ai participé à des centaines de festivals, mais celui-là était spécial. C’était une tentative de faire le lien entre deux mondes : celui de la capoeira, très libre et culturel, et celui de la FSCF, plus institutionnel. Ce type d’évènement est essentiel pour montrer que la capoeira a sa place dans les structures officielles. C’est aussi une façon de rassurer les gens : on ne veut pas remplacer les traditions, on veut simplement offrir un cadre, une reconnaissance.
Selon vous, ce type d’événement peut-il changer la manière dont la capoeira est perçue en France ?
MP : Oui, je pense. Beaucoup de gens ne connaissent pas la capoeira, ils croient que c’est juste de la danse ou des acrobaties. Mais quand ils voient un festival, quand ils entendent les chants, ils comprennent que c’est bien plus profond. Ça donne envie de s’y intéresser.
MP : Oui, ça peut changer les choses. La fédération donne un cadre, une crédibilité. Les parents, par exemple, seront plus rassurés de savoir que les enseignants sont diplômés. Et pour les capoeiristes, c’est une chance d’être mieux reconnus. L’idée, c’est de structurer sans enlever la liberté. De professionnaliser sans dénaturer.
Quelle est, selon vous, la plus grande leçon que la capoeira peut enseigner ?
MP : Apprendre. Toujours apprendre. Peu importe le niveau, il y a toujours quelque chose à découvrir. Et surtout, partager. Dans la capoeira, on apprend à donner et à recevoir.
MB : La capoeira apprend la patience, la persévérance, le respect. Elle t’apprend la maîtrise de soi et la conscience de l’autre. C’est un échange : si on veux recevoir, il faut donner. Si on joues avec violence, on la recevra. Si on joue avec bienveillance, on aura un beau jeu. C’est aussi une école d’humilité : on tombe, on se relève, on recommence. Et c’est une vraie école du vivre-ensemble : hommes, femmes, enfants, brésiliens, français… tout le monde joue ensemble.
Si vous deviez donner un message aux jeunes capoeiristes d’aujourd’hui, quel serait-il ?
MP : Apprenez, encore et toujours. La capoeira, c’est un chemin sans fin. Même mestre, on continue à apprendre.
MB : Faites-vous plaisir, mais respectez les anciens, l’histoire, les racines. La capoeira ne doit pas perdre son âme. Les jeunes d’aujourd’hui ont une chance incroyable : ils ont des professeurs exceptionnels, un niveau très haut. Qu’ils s’en rendent compte et qu’ils en soient fiers.
Si la capoeira était une émotion, laquelle serait-elle pour vous ?
MP : L’amour. Parce que la capoeira, c’est une histoire d’amour. C’est le plaisir d’être ensemble, de partager, de ressentir.
MB : L’amour. Peut-être même la beauté. La capoeira, c’est un kaléidoscope d’émotions : la joie, la peur, la nostalgie, la liberté. Il y a des moments où on peut pleurer dans une roda, juste à cause d’un chant, d’un geste. C’est presque spirituel. Pour moi, c’est mon grand amour.


