Et Paul Michaux créa la fédération

des premiers pas au choc des tranchées (1898-1918)

La fédération, fille spirituelle d’un chirurgien lorrain

Le 15 décembre 1897, lors de la deuxième séance d’une journée consacrée aux patronages et aux œuvres de jeunesse à l’Institut catholique de Paris, Paul Michaux propose la création d’un concours inter-œuvres d’exercices physiques. C’est l’acte de naissance de la fédération dont le nom de baptême est Union des sociétés de gymnastique et d’instruction militaire des patronages et œuvres de jeunesse de France, ou USGIMPOJF de son petit nom.

L’affaire se concrétise le 24 juillet 1898, au Parc des Oiseaux à Issy-les-Moulineaux, où a lieu le premier rassemblement. 500 gymnastes et musiciens venus de 25 œuvres parisiennes s’adonnent, devant un public de 3 000 personnes, à des parties d’échasses et de crosse, des exercices militaires, des leçons de boxe, le tir à la corde, le lancer de disque et autres jeux gymniques et athlétiques. Sous les encouragements musicaux de la clique des Frères des écoles chrétiennes d’Issy, les participants exécutent le premier mouvement d’ensemble d’une longue série, l’exercice devenant vite cette tradition fédérale au succès jamais démenti que nous connaissons.

La loi de juillet 1901 qui réglemente le droit d’association est l’occasion d’une virulente polémique dans les colonnes du bulletin des patronages, qui dénonce la volonté des législateurs de faire disparaître les congrégations religieuses enseignantes parfois dans la violence, mais surtout d’un premier changement de nom pour la fédération. L’imprononçable USGIMPOJF devient en effet la Fédération des sociétés catholiques de gymnastique (FSCG). Mais dès 1903, ce nouveau nom ne convient plus : la fédération organise désormais des compétitions de football et de cross. Elle sera donc également sportive dès le mois de décembre 1903 : elle devient la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF).
A la même date paraît le premier numéro du journal Les Jeunes inclus tous les quinze jours au sein du Bulletin des patronages jusqu’en 1905, date à laquelle la revue prend son indépendance : un simple encart ne suffisait plus à rapporter l’ensemble des résultats sportifs et des articles aux envolées parfois lyriques qu’il faut publier pour rendre compte d’une vie fédérale en pleine expansion. Le petit appartement du Dr Michaux qui servait jusqu’ici de lieu de travail devient également trop étroit : le 15 juillet de la même année, la fédération emménage dans ses propres locaux au 5 place Saint-Thomas-d’Aquin.

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Du regroupement national au rassemblement international

Le pape Pie X, suite à une entrevue avec Pierre de Coubertin, charge un de ses gardes-nobles, Mario di Carpegna, d’organiser un rassemblement européen des jeunes sportifs catholiques. Le premier concours se tient ainsi à Rome le 8 et 9 décembre 1906. La FGSPF envoie au Vatican 625 gymnastes, geste hautement symbolique, la France ayant rompu les relations diplomatiques avec le siège papal en mai 1904… La loi de la séparation des Eglises et de l’Etat se prépare dans les ministères de la IIIème République. Cette première expérience est vite réitérée en 1906 et 1908 à Rome, puis en 1909 à Milan : des sportifs français, belges, irlandais, canadiens et bien sûr italiens se rassemblent et s’affrontent en gymnastique, athlétisme et football. Le succès grandit, si bien qu’à l’initiative, une nouvelle fois, du Dr. Michaux, une union internationale, ancêtre de la Fédération internationale catholique d’éducation physique et sportive (FICEP), est créée. Les statuts sont officiellement déposés le 13 décembre 1911.

A cette date, l’hostilité des deux autres fédérations (l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques, l’USFSA, et l’Union des sociétés de gymnastique de France, USGF) à l’égard des associations ayant répondu à l’invitation du pape pour participer aux concours de gymnastique de Rome et leur ordre de choisir entre elles et la FGSPF déclenche leur adhésion massive à cette dernière. La séparation des Églises et de l’État n’est pas sans entraîner de violentes réactions :

Le 8 juin 1907, la Saint-Joseph des Épinettes laisse un mort et deux blessés graves sur le terrain.
Le 11 juillet 1911, le concours de Roubaix mobilise 3 000 opposants et, pour leur faire face 400 gendarmes renforcés de deux escadrons de dragons et de deux brigades de police.
La situation perdure trois semaines encore avant la déclaration de guerre : le 12 juillet 1914, à Roanne, un sous-préfet zélé ne défend pas les gymnastes catholiques mais, au contraire,  mobilise l’armée et fait charger un défilé par la garde mobile au prétexte que des prêtres accompagnent les gymnastes.

La fédération dans les tourments de la Grande Guerre

Dans le contexte de revanche nationale, la préparation militaire et le tir sont devenus priorités fédérales : en 1914, un lauréat sur trois du brevet d’Aptitude militaire l’a préparé au sein de la FGSPF. Mais si la fédération procure une partie de ses cadres à l’armée française grâce à cet engagement, elle fournit aussi au ministère de l’Agriculture des contingents de jeunes citadins pour assurer les travaux des champs. Sur Paris, elle mobilise sur simple appel les équipes de brancardiers indispensables à l’accueil des blessés dans les gares de la capitale. Elle perd 24 000 de ses adhérents, dont beaucoup de cadres et de prêtres-directeurs, sans interrompre cependant ses activités et dès le 4 août 1919 elle peut organiser dans Metz, redevenue française, le premier concours d’après-guerre : 7 000 gymnastes venus de tout l’hexagone y participent.

Parmi ses cadres morts au champ d’honneur, la FGSPF déplore la perte de son secrétaire général, Charles Simon, tombé au combat à Écurie, le 15 juin 1915. En plus de ses fonctions à la fédération, il était également à l’origine de la création, au siège même de l’institution, 5, place Saint-Thomas-d’Aquin, du Comité français interfédéral (CFI), qui deviendra la Fédération française de football (FFF). En hommage à Charles Simon, Henri Delaunay, qui lui succède dans ses fonctions tant à la FGSPF qu’au CFI, crée la Coupe de France de football. Dès sa première édition, en 1917, elle ne rassemblera pas moins de 48 clubs (ils sont aujourd’hui plus de 7 600, amateurs et professionnels, à participer chaque année), et le Dr. Paul Michaux remettra le trophée au premier vainqueur de la compétition, l’Olympique de Pantin qui s’est défait du FC Lyon trois buts à zéro. Après les affrontements armés, la confrontation sportive reprend doucement ses droits.

Les premières activités fédérales :

  • Gymnastique, instruction militaire et musique : les trois activités fondatrices de la fédération, présente au premier concours fédéral de 1898.
  • Football : dès le 14 avril 1901, les premières rencontres fédérales sont remportées par le Gallia-Club, face à l’Etoile des Deux Lacs –elle aussi de Paris- sur le score sans appel de 4 buts à 0.
  • Cross-country : encore un sport à l’accent british qui nous parvient depuis les pluvieuses contrées britanniques. Le 13 avril 1902, cinquante coureurs s’élancent dans le parc de Saint-Cloud pour un parcours de 5 km. On retrouve l’Etoile des Deux Lacs qui se hisse cette fois au sommet du classement par équipe.
  • Athlétisme : le premier concours se déroule en 1904 à Saint-Cloud. Werner (les résultats de l’époque ne donnaient jamais le prénom) établit le premier temps fédéral de référence au 100 mètres en 11,2s.
  • Escrime : en 1910, un challenge au fleuret est organisé, remporté par le S.O Saint-Médard (Paris).