
Voyager seule au Brésil, affronter les meilleurs du monde, tout donner dans la roda… et décrocher le titre ! C’est l’incroyable exploit réalisé par Mahrie Corbu, nouvelle championne du monde de capoeira. Mais derrière cette victoire, il y a des années de travail, une bonne dose de passion et une vision engagée de la discipline. Rencontre avec une athlète pas comme les autres.
- Bonjour Mahrie ! Bravo pour ta victoire. Quand as-tu réalisé que tu étais championne du monde ?
Honnêtement, sur le moment, j’étais juste soulagée. La compétition avait pris beaucoup de retard, et avec le décalage horaire, il était deux heures du matin en heure française. J’ai passé la journée à attendre, à lutter contre la fatigue… et quand j’ai gagné, je voulais juste dormir.
- Comment as-tu fêté ta victoire ?
Le lendemain, tranquillement, en appelant ma famille, mon maître et mes amis.
- On nous a raconté une scène assez folle en finale...
Oh oui… J’ai pris un coup de talon en plein dans les côtes, impossible de respirer. J’étais au sol, persuadée que j’avais une côte cassée. Puis j’ai vu les secouristes arriver avec une civière et là, j’ai compris : si je monte là-dessus, c’est fini pour moi. Alors je me suis relevée et j’ai continué. Et j’ai gagné.
- Comment as-tu découvert la capoeira ?
C’est une drôle d’histoire. Petite, je faisais de la boxe, mais mon coach n’était pas sérieux, alors j’ai arrêté. Avec ma mère, on a regardé les autres sports proposés près de chez moi, et elle m’a suggéré la capoeira. J’ai détesté. Trop compliqué, trop de coordination… Mais elle m’a obligée à continuer quelques cours. Et aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer.
- Qu’est-ce qui te plaît le plus dans cet art ?
Le fait qu’il n’y ait pas de catégories, pas de limites. Peu importe ton âge, ton niveau, ton origine, la capoeira est pour tout le monde. Et surtout, tu n’arrêtes jamais d’apprendre : il y a l’histoire, la musique, la danse, les mouvements… C’est sans fin.
- Tu as un rituel avant une compétition ?
Attendre mon tour, c’est le plus stressant et le plus long. Mais dès que c’est à moi, je me laisse porter par la musique et le stress se transforme en adrénaline. D’ailleurs, on me dit souvent que je suis la seule à sourire pendant un combat.
- Ton plus grand défi ?
Prendre confiance en moi. Petite, je voyais plein d’enfants hyper doués, et moi, j’avais du mal. Mais j’ai toujours entendu : Bon est celui qui s'entraîne. Alors je me suis accrochée.
- La compétition, c’est forcément gagner ?
C’est ça le paradoxe : en capoeira, on joue plus qu’on ne combat. En compétition, il faut marquer des points, mais j’essaie de rester fidèle à ma manière de jouer.
- À quoi ressemble une journée type ?
Je m’entraîne déjà intensément toute l’année, donc avant une compétition, je ne change pas grand-chose. Un à deux cours de capoeira par jour, et deux à trois séances de musculation et d’étirements par semaine.
- Ton repas fétiche avant un combat ?
Pâtes, poulet, avocat, bananes et fruits à coque.
- Ta playlist d’entraînement ?
Je n’écoute que des enregistrements de roda. C’est la meilleure façon de rester connectée à l’essence de la capoeira.
- Si la capoeira était un superpouvoir ?
Elle unirait les gens sur un même piédestal.
- Un dernier conseil pour ceux qui veulent se lancer ?
Pratiquez avec le cœur, entourez-vous des bonnes personnes, et les résultats suivront.
- Et maintenant, c’est quoi la suite ?
Je continue mes entraînements et je développe mon projet à Bordeaux. Je veux rendre la capoeira accessible à tous : crèches, écoles, centres sociaux, EHPAD, associations pour les demandeurs d’asile ou les personnes en situation de handicap etc. La capoeira est née de la lutte pour la liberté. Je veux qu’elle reste un outil d’émancipation.
- Prochaine étape ?
Une compétition fin mars à Munich.
On suivra ça de près. Obrigada*, Mahrie !
(*Merci)
Article paru dans le numéro 2596 du magazine Les Jeunes.