Le bien-être en rêve et en réalité

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Cet état que chacun aimerait éprouver de manière la plus permanente et pérenne qui soit n’a pourtant rien d’inaccessible. À condition de s’y prendre comme il convient et d’effectuer les choix qui nous correspondent.

 

Plus qu’un concept philosophique, le bien-être est devenu, modernité oblige, un enjeu sociétal. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne s’y est pas trompée, elle qui énonce que  le concept de société du bien-être (…) met l’accent sur le fait que toutes les dimensions individuelles et collectives de la vie sont importantes tout au long du parcours de vie . En conséquence, les sociétés du bien-être appliquent des politiques audacieuses et des approches porteuses de changements qui s’articulent notamment autour (…) d’une vision positive de la santé qui tient compte du bien-être physique, mental, psychologique, émotionnel, spirituel et social .

La dimension sanitaire demeure néanmoins fondatrice. Ainsi, dans sa Constitution qui date de 1948, l’OMS définit la santé comme un état complet de bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Le bien-être est envisagé comme un dérivé de la santé, précise le sociologue Philippe Terral, Professeur au Centre de recherches en sciences sociales, sports et corps (Cresco) de l'Université Paul Sabatier, à Toulouse.

Auparavant, cette dernière était conçue sous l’angle du soin. Désormais, on considère que bien vivre, ce n’est pas seulement vivre sans être atteint de pathologie. Dans cette optique, l’activité physique est devenue centrale en tant qu’outil de prévention en santé et d’amélioration de la qualité de vie. Tout comme l’alimentation et le sommeil, elle concourt au bien-être, lequel interroge donc la santé mais également le vivre ensemble. Et ce, dans la mesure où il est à la fois d’ordre biologique, psychologique et sociologique.  Autant d’aspects et de gratifications que l’on retrouve, au demeurant, en faisant du sport. Que ce soient, par exemple, la sécrétion d’hormones du plaisir (endorphines), la dépense énergétique, l’élimination de tensions musculaires, l’affiliation sociale en nouant des relations et en partageant des moments avec l’autre etc.

LA RECHERCHE DE L’APAISEMENT ET DE LA SÉRENITE SONT SANS EXCLUSIVE

Il n’empêche, insiste Sébastien Dalgalarrondo, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), tel qu’il est aujourd’hui promu, le bien-être est l’objet d’une hyper psychologisation. Il a, avant tout, trait à l’exploration et à l’amélioration de soi ainsi qu’au travail sur soi. C’est là une vision assez réductrice car le bien-être va bien au-delà. Il concerne aussi le rapport aux autres avec les interactions et l’intérêt de vivre en société que cela induit. En cela, il est aussi le fruit d’une dynamique collective afin que chacun trouve sa place.  Dans ce canevas-là, la place des activités physiques est éminente tant elles sont susceptibles d’être des vecteurs de socialisation, d’éducation et d’intégration par leur caractère inclusif. Il y a le bonheur de faire partie d’un groupe, d’être soutenu et de développer des amitiés.  Autant de composantes, parmi d’autres, du bien-être.

En ce qui concerne l’offre d’activités potentiellement génératrices de bonheur, on constate une tendance générale. En l’occurrence, le passage de pratiques encadrées à une appétence pour les pratiques auto-organisées, chacun ayant, par ailleurs, une définition personnelle et particulière du bien-être, notamment en fonction des usages sociaux que les uns et les autres font de leur corps, pointe Philippe Terral.

Par ailleurs, la notion de bien-être apparaît notamment dans les pratiques en contact avec la nature et en lien avec les urgence climatiques, note Sébastien Dalgalarrondo. Dans ce cadre, la randonnée redevient extrêmement à la mode. En toile de fond, la volonté de profiter des sensations agréables que procure le milieu naturel tout en y associant les bienfaits du sport sur la santé. Comme si l’on voulait, en quelque sorte, se rapprocher de l’idéal de l’homme primitif chasseur-cueilleur pour avoir une meilleure santé.  En outre, la recherche de l’apaisement et de la sérénité étant sans exclusive, on ne se sera pas surpris que les disciplines censées d’y mener soient diverses et variées. On citera notamment la marche, la course à pied, la natation, le fitness, la méditation, la relaxation, le tai-chi, la qi gong, le yoga, le pilâtes… La liste est longue.

UNE RELATION DOSE-RÉPONSE POSITIVE ENTRE, LE VOLUME DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ET L’ÉTAT DE SANTÉ

Toujours est-il que la nécessité de bouger pour se sentir mieux et épanoui dans son corps et dans sa tête - quand bien même la seconde est-elle partie intégrante du premier ! - est un fait acquis. Plus qu’un simple énoncé de bon sens, elle est une vérité attestée par les autorités sanitaires. Ainsi, la Haute autorité de santé (HAS) rappelle que l’activité physique est un déterminant majeur de l’état de santé, de la condition physique, du maintien de l’autonomie avec l’avancée en âge et de la qualité de vie des populations à tous les âges de la vie. Un panel que l’on peut résumer en un mot : le bien-être.

Le lien de cause à effet est, de surcroît, proportionnel :  Il existe une relation dose-réponse positive entre, d’une part, le volume de l’activité physique et, d’autre part, l’état de santé et la condition physique.

Il ne semble pas qu’il y ait un volume minimal d’activité physique nécessaire pour avoir des bénéfices pour la santé et/ou la condition physique. Les bénéfices de l’activité physique sont d’autant plus marqués que l’on part d’un niveau bas et sont obtenus pour des volumes modérés d’activité physique.  Et, évidemment, les bénéfices pour la santé d’une activité physique régulière sont largement supérieurs aux risques liés à sa pratique pour la plupart des individus. Qui en doutait encore ? …  C’est pourquoi l’activité physique doit être régulière et poursuivie tout au long de la vie pour avoir et garder des effets bénéfiques sur la santé, la condition physique et l’autonomie de la personne. Les bénéfices d’une activité physique régulière se maintiennent tant qu’elle se poursuit. Ils disparaissent progressivement en deux mois en cas de cessation complète.  Et le bien-être en pâtit alors d’autant.

MALIKA AUVRAY :  UNE ENVIE COMMUNE DE FAIRE DU BIEN A SON CORPS ET A SA TÊTE EN FAISANT DU SPORT 

Professeur de danse, de zumba, de gymnastique, de stretching et de bungy pump (marche dynamique), Malika Auvray décrypte les motivations des adhérents, plus que jamais désireux de tendre vers un épanouissement réel.

  • Dans quelle mesure la quête de bien-être revêt-elle de nouvelles modalités en matière d’activités physiques et sportives ?

Cela dépend, bien sûr, des publics auxquels on s’adresse. Mais, de manière générale, on constate une envie commune de faire du bien à son corps et à sa tête en faisant du sport. Cela passe avant la performance ou toute autre considération. Il s’agit de transpirer sans penser que l’on fait du sport ni à l’effort qui va avec, si je puis dire.

Les gens sont là pour se faire plaisir, se défouler sans être forcément dans une démarche réflexive. Même les enfants sont également demandeurs de temps de relaxation et de détente totale. Par ailleurs, ceux qui optent en faveur des activités en extérieur privilégient le contact avec la nature. Enfin, dans tous les cas, le lien social est une élément important et fondateur.

  • Diriez-vous que désormais, pour beaucoup, le bien-être passe par l’apaisement et le lâcher prise ?

Oui, tout à fait. Le lâcher prise est d’autant plus possible que les personnes sont accompagnées par un encadrant qui les oriente et assure une certaine individualisation, même dans le cadre de cours collectifs. On est forcément dans l’adaptation en fonction des capacités de chacun. La plupart des personnes sont dans l’empirisme et le ressenti du bien-être et non plus dans l’objectivation de la performance ou du résultat.

Cela ouvre la voie à un panel de disciplines très hétéroclite afin que chacun y trouve son compte. Le bungy pump en est un exemple parmi d’autres.

  • Ces besoins s’expliquent-ils par le fait que l’on évolue dans une société de plus en plus anxiogène et contraignante ?

A mon sens, oui. D’où ce besoin de rupture et de coupure. C’est pourquoi les gens aspirent avant tout à prendre soin d’eux et à oublier, le temps d’une séance, leur environnement et ce qu’ils vivent le reste de la journée. Ils sont là pour déstresser. C’est là la condition de leur bien-être. Ils ont pris conscience que le sport consiste davantage à se sentir bien qu’à aller au bout de soi-même pour obtenir un résultat.

POUR DORMIR COMME UN LOIR

Si l'activité physique et sportive est l’un des moteurs du bien-être, c’est aussi parce qu’elle permet de mieux dormir.

Comme le confirme l’Assurance maladie elle a favorise, en effet, la régulation du rythme veille-sommeil à tout âge. Un exercice régulier a des effets très réparateurs. Tout d’abord, il augmente la durée totale du sommeil. Ensuite, il entraîne un endormissement plus rapide avec moins d'éveils au cours du sommeil et, à la clef, une hausse du sommeil lent profond. Enfin, il diminue le sommeil paradoxal et les épisodes de somnolence diurne chez les personnes âgées.

Les causes de ces apports concourant au bien-être sont avant tout d’ordre hormonal. Lors de l'adaptation à un effort, le corps sécrète de l'endorphine, de la dopamine, de l'adrénaline ou du cortisol qui sont des hormones de l'éveil, précise l’Assurance maladie. Elles aident à être plus relaxé, ce qui réduit le stress, l'anxiété et la dépression. (…) Cependant, d'autres facteurs semblent expliquer le rôle de l'activité physique, notamment les modifications de la température du corps, l'effet anti-stress, voire antidépresseur du sport et la réduction de l'anxiété. 

 

Propos recueillis par Alexandre Terrini pour le numéro 2595 du magazine Les Jeunes.